[BOUQUINS] Christian Pernoud – Pour Nous

Matthew écrit des scénarios à New York. Andrea skie en Californie. Ils se rencontrent sur un trottoir de Manhattan et le coup de foudre est immédiat.

De cet amour naît Fanny.

Alors pourquoi, à son retour de la maternité, Matthew saute-t-il du quinzième étage de son appartement ?

Quel secret emporte-t-il avec lui ?

Parce que c’est Taurnada, une maison d’éditions qui ne m’a jamais déçu et m’a parfois réservé de sacrées belles découvertes.

Et justement je ne connais pas Christian Pernoud, c’est le premier roman qu’il publie chez Taurnada.

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada ainsi que la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Si Pour Nous est le premier roman de Christian Pernoud publié aux éditions Taurnada, l’auteur est loin d’être un novice. Il a en effet déjà plusieurs titres à son actif, parus sous le pseudonyme de Chris Loseus.

Matthew Rice a tout pour être un homme heureux : la femme qu’il aime vient de donner naissance à une adorable petite fille. Pourtant, en rentrant de la maternité, il se jette du quinzième étage de son immeuble. Un suicide incompréhensible, qui survient seize mois après la mystérieuse disparition de Larry, son meilleur ami et co-scénariste.

Fin du prologue. Le ton est donné, et les questions commencent à s’accumuler.

Retour seize mois en arrière. Quand Harry rencontre Sally… ah non, mauvaise référence. Quand Matthew rencontre Andrea. Le coup de foudre est immédiat, réciproque, presque évident. Leur histoire d’amour constitue le cœur du roman, une relation lumineuse et sincère, bientôt assombrie par la disparition soudaine de Larry. Cet événement va faire basculer leur quotidien et marquer le début d’une série d’emmerdements pour le couple.

Très vite, des hommes mystérieux se mettent à suivre Matthew et Andrea, à s’immiscer dans leur vie, persuadés que Matthew sait ce qu’il est advenu de Larry. Ils ne leur lâcheront pas la grappe tant que Matthew n’aura pas « craché le morceau »… quitte à faire planer une menace permanente sur leur couple et leur avenir.

Autant vous prévenir d’entrée de jeu : si vous cherchez un thriller nerveux, un véritable shoot d’adrénaline capable d’affoler votre palpitant, vous pouvez passer votre chemin. Pour Nous joue clairement la carte du suspense feutré. Rien ici qui mette les nerfs à rude épreuve ou qui vous cloue au fauteuil. Et pourtant, malgré ce rythme très sage, j’ai pris plaisir à lire ce roman. Après Cartel 1011, j’avais sans doute besoin de quelque chose de plus calme : mission accomplie.

Les personnages de Matthew et Andrea sont assez stéréotypés, mais ils fonctionnent bien ensemble. Ils forment un joli couple, attachant, et j’ai apprécié partager leur bonheur simple, presque quotidien. Cela dit, je dois reconnaître que je n’ai jamais réellement tremblé pour eux. Tout, dans la construction du roman, tend à instaurer un cadre rassurant, presque sécurisé. Même les scènes censées être tendues semblent constamment sous contrôle, comme si le danger n’était jamais tout à fait réel.

Et puis il y a Larry. Ah, Larry… parlons-en. Avec un ami pareil, pas besoin d’ennemis. En disparaissant, il pourrit littéralement la vie de Matthew, celle de sa femme, et fait planer une menace sur leur enfant. Merci, mon pote.

Le vrai problème, c’est que beaucoup d’éléments restent en suspens. Quelle est donc cette fameuse découverte faite par Larry ? Nous n’en saurons rien. Qui sont réellement ces hommes qui traquent Matthew ? Là encore, les réponses sont maigres. Pour un thriller, cela fait beaucoup de zones d’ombre et de questions laissées sans véritable éclairage.

Même si j’ai dévoré le roman quasiment d’une traite, force est de constater qu’il manque cruellement de profondeur. Ce mélange de thriller avec cette sensation de feel good est assez déroutant et laisse une impression d’inachevé. On referme le livre avec le sentiment d’être resté un peu sur sa faim, comme si le potentiel de l’histoire n’avait pas été totalement exploité.

Pour Nous reste donc une lecture agréable, fluide et sans prise de tête, mais qui peinera sans doute à convaincre les amateurs de thrillers sombres et intenses. Un roman qui privilégie l’émotion et la douceur au détriment de la tension et des révélations.

[BOUQUINS] Mattias Köping – Cartel 1011 – Les Bâtisseurs

La péninsule du Yucatán, entre le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes. Des sites d’une beauté renversante mais qui, depuis des siècles, se résignent à la violence. Le Yucatán est le fief du clan Hernandez, arrivé avec les premiers conquistadors et qui compte sur le pharaonique projet du Train Maya pour resserrer encore l’emprise qu’exerce son conglomérat, la toute-puissante Comex.

C’est là aussi, entre Cancún et Tulum, qu’émerge un nouveau cartel, le 1011, capable du pire pour asseoir son hégémonie sur les trafics internationaux.

Comme celui des capitaines d’industrie, l’appétit des criminels est sans limite. Tout s’achète et tout se vend : drogues, armes, matières premières, animaux, territoires, corps, âmes. Rares sont les téméraires qui osent leur résister.

En Europe aussi, les victimes s’accumulent. Les forces de police sont sur les dents, confrontées à une sauvagerie inédite.

Car nul ne bâtit de nouvel empire sans anéantir les précédents.

J’ai flashé sur ce roman dès sa sortie mais j’ai sans cesse repousser sa lecture pour x mauvaises raisons. Il était grand temps que je me lance enfin.

Je connais Mattias Köping de nom – et de réputation. Même si j’ai ses trois romans en stock depuis leur sortie, les seuls textes que j’ai lus de lui sont ceux du recueil Macadam, des textes au scalpel sublimés par les illustrations de Marsault.

Si je vous dis Cancún, nul doute que vous pensiez d’abord à la célèbre station balnéaire, à ses plages de sable blanc et à ses fêtes démesurées. Oubliez immédiatement la carte postale. Avec Cartel 1011 – Les Bâtisseurs, Mattias Köping nous entraîne dans l’envers du décor, au cœur de la face la plus sombre du Yucatán. Et l’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère.

Si vous pensiez avoir déjà tout lu en matière de littérature noire, ce roman risque fort de faire vaciller vos certitudes. L’avertissement éculé « âmes sensibles s’abstenir » n’est ici pas une formule creuse : Köping ne recule devant rien pour immerger son lecteur dans les horreurs perpétrées par les membres du Cartel 1011. Violence extrême, cynisme absolu, brutalité systémique : le texte assume pleinement sa radicalité.

Deux forces s’affrontent dans ce premier tome, véritables monstres à têtes multiples.

D’un côté, la COMEX, conglomérat tentaculaire, incarnation froide et implacable d’un capitalisme prédateur. Présente dans tous les secteurs stratégiques et économiques du pays, elle étend son emprise sans se soucier des conséquences humaines ou environnementales. Pour parvenir à ses fins, tout est permis. Malheur à celles et ceux qui se dresseront sur son chemin.

De l’autre, le Cartel 1011, nouvel acteur dans un paysage criminel mexicain déjà saturé de violence. Ce cartel entend s’imposer sur tous les trafics : drogues, armes, êtres humains. Sa loi repose sur la peur, la terreur et l’élimination méthodique de toute concurrence. Les rivaux sont absorbés ou annihilés. Et l’ambition du Cartel 1011 ne s’arrête pas aux frontières du Mexique.

Le choix narratif de Mattias Köping peut dérouter dans un premier temps. La première partie du roman se construit par fragments : des tranches de vie, des trajectoires individuelles confrontées tantôt à la COMEX, tantôt au Cartel 1011. Un fil rouge existe, mais le récit se montre volontairement éclaté, presque chaotique. Ce parti pris renforce toutefois le sentiment de confusion et de vertige. Le roman retrouve ensuite une structure plus classique, permettant aux différentes lignes narratives de converger avec une efficacité redoutable.

Le style de Köping, incisif, frontal, quasi chirurgical, se révèle parfaitement adapté à son propos. L’auteur tranche dans le vif, expose les faits bruts, sans fioritures ni complaisance. Ici, pas de romantisation du crime : seulement une mécanique de violence froide et méthodique, glaçante de réalisme.

On devine sans peine l’ampleur du travail documentaire en amont de l’écriture. Cette rigueur confère au roman une puissance immersive rare : le lecteur est happé au cœur des rouages criminels, politiques et économiques, dans un voyage qui n’a rien d’un long fleuve tranquille. Nous sommes plutôt embarqués dans une descente de rapides déchaînés, sans possibilité de reprendre notre souffle.

Difficile également de ne pas établir un parallèle troublant avec l’actualité française, où le narcotrafic s’impose plus que jamais dans le débat public : gestion des narcotrafiquants incarcérés, explosion des faits divers sanglants, implantation durable des réseaux criminels. Certes, nous sommes encore loin des scènes décrites par Köping… mais pour combien de temps ?

Cartel 1011 – Les Bâtisseurs fait office de mise en bouche aussi brutale qu’addictive. En refermant ce premier tome, une seule envie subsiste : découvrir la suite. Il faudra pourtant s’armer de patience : Mattias Köping travaille encore sur le second opus et aucune date de sortie n’a été annoncée à ce jour.

Une chose est certaine : si la trilogie tient ses promesses, elle s’annonce d’ores et déjà comme un monument de la littérature noire contemporaine.

[BOUQUINS] Jacques Saussey – Invisible

Le terrain de jeu de ce tueur en série ? Les autoroutes…

L’appel radio a mentionné le cadavre d’une femme retrouvé sur une aire de l’autoroute 43, près d’Albertville. « Un truc de malade », a précisé le militaire de liaison.

Alice Pernelle, fraîchement sortie de l’école de gendarmerie, est la première à arriver sur les lieux avec sa brigade. Face à elle, la victime est nue, à genoux, les bras ballants. Empalée. Ses yeux grands ouverts ne voient que le vide.

Alors que, sous le choc, la militaire recule d’un pas, Loulou, lui, est déjà loin au volant de son camion. Ce soir, il passera la frontière allemande. Mais avant il rachètera des sacs poubelles, des gants Mapa et un bidon d’eau de Javel.

Pour la prochaine fois.

Parce que c’est Jacques Saussey, une valeur sure de la scène noire française.

Parce qu’il nous permet de retrouver Alice Pernelle que nous avions rencontré dans le roman Ce Qu’Il Faut De Haine.

Ah, mais elle en fait du chemin, la jeune Alice Pernelle ! Depuis Ce Qu’Il Faut De Haine, elle poursuit sa route avec détermination et fait désormais ses premiers pas à la gendarmerie d’Albertville. Et pour inaugurer cette nouvelle étape de sa carrière, elle se retrouve plongée dans une affaire d’une noirceur absolue : une jeune femme a été assassinée et son corps exposé dans une mise en scène d’une macabre précision.

Sur cette aire d’autoroute très fréquentée, aucun indice exploitable. Rien. Le vide total. Pourtant, Alice est convaincue d’avoir affaire à un tueur expérimenté. Un meurtrier qui n’en est pas à son premier forfait. Mais les fichiers restent muets, aucune scène similaire ne remonte à la surface.

La gendarmerie d’Albertville n’a toutefois pas le temps de se focaliser sur cette affaire : une nouvelle intervention, sans lien apparent avec la précédente, vient frapper l’équipe en plein cœur. Un événement qui bouleversera profondément Alice et l’obligera à repenser son rapport au métier, à la douleur, et à ses propres limites.

Comme si cela ne suffisait pas, un braquage vient bientôt s’ajouter au chaos ambiant. Trois affaires, sans connexion visible… du moins en apparence. Pendant ce temps, de son côté, le tueur en série surnommé Loulou poursuit son périple meurtrier à travers l’Europe.

Jacques Saussey adopte une construction alternée : un chapitre avec Alice, un chapitre avec Loulou. Le procédé fonctionne à merveille. Fidèle à son style, l’auteur privilégie des chapitres courts, un rythme tendu et une écriture sans fioritures. On avance vite, on respire peu, et on se laisse happer par cette mécanique parfaitement huilée.

Loulou, quant à lui, est un tueur d’un genre nouveau. Un personnage à la fois malsain, imprévisible et d’une imagination glaçante. Non seulement il arpente l’Europe au gré de ses tournées de livraison, mais il change de mode opératoire à chaque meurtre, rendant toute piste presque impossible à tracer. Certaines scènes donnent littéralement des frissons, notamment celle de Bregenz, en Autriche, dont la cruauté et la mise en scène sont particulièrement marquantes. Saussey n’y va pas de main morte : c’est sombre, violent, mais jamais gratuit.

Face à un tueur aussi insaisissable, le lecteur se retrouve à partager les mêmes questions que les gendarmes : comment identifier un fil conducteur entre ces crimes qui n’ont rien en commun ? Comment trouver la faille qui permettra d’identifier Loulou, puis de l’arrêter ? Heureusement, Alice, tenace et intuitive, n’est pas du genre à lâcher l’affaire, quitte à agacer au passage quelques collègues plus prudents qu’elle.

Quant aux deux autres enquêtes, le lecteur en découvre peu à peu les enjeux, les pièges et les ramifications au même rythme que les enquêteurs. Là encore, Alice devra s’investir corps et âme, parfois à ses dépens.

Finalement, Invisible est un thriller mené tambour battant, porté par des personnages très incarnés – même les rôles secondaires bénéficient d’une attention particulière. À ce titre j’ai eu un gros coup de cœur pour Angelina Castel, une étudiante en criminologie qui viendra aider Alice.

Jacques Saussey démontre une nouvelle fois sa maîtrise du genre et signe un roman efficace, sombre et parfaitement construit.

Je ne sais pas encore ce que l’auteur réserve pour la suite, mais pour ma part, je signerais volontiers pour retrouver Alice Pernelle dans de futures enquêtes.

[BOUQUINS] Maxime Chattam – 8,2 Secondes

8,2 secondes :
C’est le temps qu’il faut pour tomber amoureux.
C’est le temps qu’il faut pour mourir.

May et Constance ne se connaissent pas. Mais un même secret les relie. Et les menace.

Le seul nom de Maxime Chattam justifie mon choix, même s’il y a du bon et du moins bon ça demeure un auteur qui a toute ma confiance.

Avec son nouveau roman, Maxime Chattam nous entraîne dans une intrigue à deux voix, deux trajectoires parallèles mais entièrement féminines, qui finissent par se répondre bien plus intimement qu’on ne l’imagine de prime abord.

D’un côté, il y a Constance, scénariste meurtrie qui choisit de se retirer – ou plutôt de s’exiler – avec son chien dans le chalet familial isolé au cœur d’une forêt proche de la frontière canadienne. Elle vient de perdre brutalement son mari et son fils. Cet isolement forcé devient alors le lieu d’une profonde introspection avec la seule question qui lui reste : veut-elle encore vivre ? Peut-elle seulement continuer ? Dans l’immensité silencieuse de la nature, Maxime Chattam explore avec elle les thèmes universels du deuil, de la culpabilité, de la solitude, mais aussi de ces secrets enfouis qui resurgissent quand tout vacille.

De l’autre, il y a May, jeune enquêtrice du NYPD déterminée à faire ses preuves dans un univers où chaque faux pas peut coûter sa carrière. Elle se retrouve presque malgré elle lancée dans la traque d’un tueur en série. Au détour d’une enquête de routine, elle croise la route de Jack Tettler, un homme qui va bouleverser son existence bien au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer.

Si les chapitres consacrés à May sont plus rythmés, portés par l’adrénaline et l’urgence, ils n’en dévoilent pas moins une dimension plus intime centrée sur un thème profondément humain : l’amour. Un amour dans tout ce qu’il peut offrir de plus lumineux — complicité, désir, force des sentiments — mais aussi de plus corrosif – mensonge, manipulation, trahison.

Cette place donnée à l’introspection, plus marquée que dans de précédents romans de l’auteur, peut surprendre. Elle ne doit pourtant rien au hasard : 8,2 Secondes est dédié à un proche ami de l’auteur, disparu brutalement l’année dernière. Le roman porte clairement la trace de ce deuil, de cette nécessité d’écrire pour comprendre et pour rendre hommage.

Et malgré cette profondeur émotionnelle, ou peut-être grâce à elle, la double intrigue est captivante du début à la fin. Le lecteur croit assez vite comprendre le lien entre Constance et May… jusqu’à ce que l’auteur lui assène un premier coup de massue qui rebat toutes les cartes. Et comme si cela ne suffisait pas, un second retournement vient achever de nous laisser groggy, éclairant l’ensemble du roman d’une lumière totalement nouvelle.

Vous l’aurez compris : j’ai été totalement conquis par ce cru 2025 de notre Maxou. Un roman sensible, maîtrisé, surprenant, qui prouve qu’un thriller peut aussi être un magnifique terrain d’exploration humaine.

[BOUQUINS] Anonyme (Bourbon Kid) – Noir Comme L’Enfer

Dans la petite ville de Désespoir, trois jeunes femmes ont été kidnappées. La police arrête un suspect. Surprise : son ADN correspond en tout point à celui de Jack l’Éventreur. Avant d’être interrogé, l’homme disparaît mystérieusement. Une seule personne semble en mesure de le retrouver : le Bourbon Kid, le tueur le plus impitoyable que la terre ait jamais porté.

Pendant ce temps, une femme-robot ressemblant trait pour trait à Jasmine, l’ex-prostituée tueuse de démons, commet des vols à main armée dans toute la région. Appelés à la rescousse, les Dead Hunters, vénérable confrérie de chasseurs sanguinaires, entrent dans la danse.

Toutes les pistes les conduisent bientôt vers le mystérieux strip-club d’une ville nommée Ténèbres, où plane l’ombre d’un revenant inattendu : Adolf Hitler himself !

Bourbon Kid, what else ?

D’autant que la quatrième de couv’ nous promet une intrigue encore plus barrée qu’à l’accoutumée.

Ami(e)s lecteurs et lectrices, préparez-vous : ce roman va vous révéler des vérités qu’aucun manuel d’Histoire n’osera jamais raconter. Et pour cause — même les historiens les plus chevronnés ignorent ces révélations explosives ! Imaginez un peu : vous allez enfin découvrir qui se cache derrière le cold case le plus célèbre du monde… Oui, Jack l’Éventreur en personne ! Et si cela ne suffisait pas à piquer votre curiosité, sachez que vous apprendrez aussi toute la vérité sur le suicide d’Hitler, et sur celui d’Eva Braun. Rien que ça.

Vous l’aurez compris : pour ce nouvel opus, notre mystérieux auteur Anonyme, alias le Bourbon Kid, place la barre très haut dans le grand art du portnawak assumé. Et c’est tant mieux, car c’est exactement ce que l’on vient chercher en ouvrant un roman de cette saga : du chaos jubilatoire, de l’action débridée et une bonne dose d’humour noir. Le côté complètement barré est non seulement assumé, mais fièrement revendiqué.

Quel plaisir de retrouver le Bourbon Kid, l’équipe des Dead Hunters au grand complet, Sanchez et Flake en tête, sans oublier Jacko, le gardien du Purgatoire et de l’Enfer, dont le rôle continue de s’étoffer au fil des tomes. L’auteur joue à fond la carte du fan service sans jamais tomber dans la redite : on retrouve le même cocktail explosif d’action (énormément d’action — et non, jamais trop !) et d’humour, qu’il s’agisse de dialogues lunaires ou de situations totalement improbables.

Dans le précédent roman, Kill the Rich, le thème du voyage dans le temps faisait déjà une apparition remarquée. Ici, il devient le cœur même de l’intrigue, avec un choix audacieux : renvoyer les personnages à la Fête de la Lune de Santa Mondega, six ans plus tôt. Autrement dit, pile au moment où tout a commencé, dans Le Livre sans Nom. Un retour aux sources malin et réjouissant, qui permet de revisiter les événements fondateurs avec un nouveau regard.

On constate aussi une évolution du Bourbon Kid : s’il reste fidèle à sa devise — « on tire d’abord, on discute après ! » — il semble s’être quelque peu assagi… ou du moins, plus réfléchi (tout est relatif).

Et puis vient la fin. Ce fameux mot, FIN (peut-être), qui clôt la plupart des romans du cycle et nous laisse toujours avec la même question : vraiment la fin ? À en juger par les dernières pages et la place grandissante du voyage temporel, on peut parier sans trop se tromper qu’Anonyme nous réserve encore quelques surprises infernales.

Bref, Noir Comme L’Enfer est un pur concentré de ce que la saga Bourbon Kid fait de mieux : du fun, du sang, et une bonne dose de déraison. Un défouloir littéraire aussi absurde qu’irrésistible, à consommer sans modération.

[BOUQUINS] Dan Brown – Le Secret Des Secrets

L’éminent professeur de symbologie Robert Langdon se rend à Prague pour une conférence sur la noétique donnée par son amie de longue date, Katherine Solomon. La scientifique est sur le point de publier un ouvrage révolutionnaire sur la nature de la conscience humaine.

Un meurtre sauvage va soudain précipiter leur séjour dans le chaos. Katherine disparaît, et son manuscrit est piraté sur le serveur de son éditeur. Commence alors une course contre la montre dans Prague et ses mystères. Langdon se retrouve pourchassé par une étrange créature mythologique et devient la cible d’une organisation dont le projet pourrait changer à jamais notre conception de l’esprit humain.

Parce que c’est le grand retour de Dan Brown et de son héros récurrent, Robert Langdon. Un retour que les fans attendaient – espéraient – depuis huit longues années.

Quel plaisir de retrouver l’expert en symbologie Robert Langdon après huit longues années d’attente ! Et cerise sur le gâteau, il est accompagné de Katherine Solomon, brillante scientifique spécialisée en noétique, déjà croisée dans Le Symbole Perdu (troisième opus de la série, paru en 2009). À vrai dire, c’est même Katherine – ou plus exactement son prochain ouvrage – qui se trouve au cœur de cette nouvelle intrigue.

L’essentiel de l’action se déroule à Prague, cité aux mille visages, chargée d’histoire. Autant dire un terrain de jeu idéal pour Robert Langdon. Mais le jeu va vite tourner au cauchemar – pour le plus grand plaisir du lecteur.

Sur le plan thématique, Le Secret Des Secrets est sans doute le roman le plus audacieux de la série. Dan Brown y explore les frontières du savoir et de la foi, s’attaquant à des questions vertigineuses : quelle est l’origine de la conscience ? Que se passe-t-il après la mort ? Et surtout, la science peut-elle réellement répondre à tout ? L’auteur aborde ces sujets à travers une approche résolument scientifique – sans pour autant négliger les dimensions spirituelles –, en confrontant notamment les visions matérialistes et noétiques du monde.

Pour l’anecdote, la noétique, discipline à la croisée de la science et de la philosophie, n’est pas reconnue par la communauté scientifique dans son ensemble. Beaucoup la considèrent comme un courant spéculatif plus que comme une science exacte. Les thèses défendues par Katherine Solomon risquent donc de faire grincer des dents les matérialistes les plus rigides. Pour ma part, je choisis l’ouverture d’esprit : je lis avant tout un roman, non un traité scientifique. Si les idées exposées nourrissent l’intrigue et la réflexion, alors c’est tout bénéfice – et c’est précisément le cas ici.

Ces thématiques permettent aussi à Dan Brown de mettre en garde contre les dérives de la recherche lorsqu’elle tombe entre de mauvaises mains : manipulation mentale, contrôle des consciences, justification politique sous couvert de « sécurité nationale ». Une inquiétante perspective, d’autant plus crédible qu’elle résonne avec les débats contemporains sur l’intelligence artificielle ou les neurosciences.

Comme toujours, on ne peut qu’être admiratif devant l’ampleur du travail documentaire accompli par l’auteur. Dan Brown décrypte littéralement chaque élément de son intrigue. On comprend mieux pourquoi ses romans ne paraissent pas « à la chaîne ».

Outre le duo Langdon–Solomon, le roman offre une galerie de personnages secondaires aussi riches qu’ambigus. Le lecteur, tout comme les héros, apprend à se méfier des apparences : les intentions de chacun sont troubles, les alliances fragiles, et même les mythes prennent une tournure inattendue – à l’image de cet étrange golem, bien différent de la légende que l’on connaît.

L’intrigue, haletante, ne laisse guère de répit ni aux protagonistes ni au lecteur. On court, on doute, on découvre, au rythme d’une mécanique parfaitement huilée. Oui, certaines scènes flirtent parfois avec l’invraisemblance, mais n’est-ce pas justement ce qui fait le charme des aventures de Langdon ? L’essentiel, c’est que la tension ne retombe jamais, et que l’on se surprenne à tourner les pages sans voir le temps passer.

Sur le plan de la construction, Dan Brown reste fidèle à sa recette gagnante : chapitres courts, écriture fluide et visuelle, découpage quasi cinématographique. Rien d’inutile, tout concourt à faire de ce roman un pur page-turner.

Comme je le fais toujours avec les romans de Dan Brown, la tablette est toujours à portée de main afin de pouvoir faire des recherches internet pour avoir un visuel des bâtiments, monuments ou œuvres d’art mentionnés dans le bouquin.

L’attente fut longue, mais quel retour en apothéose ! Dan Brown signe ici un thriller palpitant, où science, spiritualité et suspense s’entrelacent avec une redoutable efficacité.

[BOUQUINS] Valentin Musso – Voici Demain

Chloé et Paul vivent dans une ferme isolée, au pied des Pyrénées. Ils partagent leur quotidien avec Mathieu, qui enseigne à Paul différentes techniques de chasse et de survie. Le trio a renoncé à tout confort moderne et s’est coupé du monde pour se rapprocher de la nature.

Mais la réalité ne va pas tarder à se rappeler à eux quand l’impensable se produit, plongeant le pays dans la panique. Dans cet environnement devenu hostile, le moindre événement peut avoir des conséquences dramatiques. Une mauvaise chute, un animal sauvage qui rôde, l’irruption d’un inconnu…

La vie déjà précaire de Chloé, Paul et Mathieu vacille. Pourtant, leur cauchemar ne fait que commencer : ils sont loin de se douter du véritable danger qui les guette.

Parce que ça faisait déjà un moment que j’avais envie de découvrir l’univers littéraire de Valentin Musso, le petit frère de Guillaume.

A en croire la quatrième de couv’, ce dernier roman l’éloigne de son genre de prédilection qui reste le polar / thriller.

Dès les premières pages, Valentin Musso veut imposer une atmosphère anxiogène et oppressante. Le lecteur se retrouve plongé dans un huis clos, au cœur d’une ferme isolée, perdue dans les bois, où vivent un homme et une femme dont on ignore presque tout. Le monde extérieur semble avoir été ravagé par un mystérieux mal.

De prime abord, tous les ingrédients de la dystopie classique semblent réunis : isolement, menace invisible, perte de repères, et un climat de peur diffuse. Pourtant, à mesure que le récit avance, ce cadre se fissure. Valentin Musso cultive un peu trop l’ambiguïté, sème le doute, et l’on en vient à se demander si ce que l’on perçoit est bien réel. J’ai rapidement eu la certitude qu’il y avait anguille sous roche, que l’auteur jouait volontairement avec les codes du genre pour mieux nous égarer.

Et il faut reconnaître que le pari est réussi. Valentin Musso parvient à surprendre à plusieurs reprises, notamment à la fin de la première partie, lorsque se révèle le véritable lien qui unit Paul et Chloé. Puis, à la fin de la seconde partie, une autre révélation bouleverse notre perception de l’histoire et redéfinit tout ce que nous pensions avoir compris. Même en se doutant que l’auteur prépare un twist, on se fait balader.

Pendant une grande partie du roman, les personnages de Paul et Chloé demeurent énigmatiques. Cette distance crée d’abord une légère frustration, quand les pièces du puzzle finissent par s’emboîter, leurs comportements et leurs réactions prennent enfin sens.

Il serait tentant d’aborder d’autres aspects du roman, mais ce serait trahir le choix de Valentin Musso, qui préfère laisser dans l’ombre certaines zones jusqu’au moment qu’il juge opportun. Ne souhaitant pas spoiler, je resterai donc dans une approche très générale du roman.

Sur le plan formel, la construction narrative est particulièrement maîtrisée. L’auteur alterne les points de vue et les styles : un récit à la troisième personne se mêle à des passages à la première personne, où Paul et Chloé prennent tour à tour la parole. Cette alternance fluidifie le récit, renforce l’immersion émotionnelle et offre une compréhension plus fine de leurs tourments intérieurs. Le résultat est d’une grande cohérence, à la fois sur le plan psychologique et narratif.

Nul doute que je poursuivrai ma découverte de ses romans : Valentin Musso s’impose comme une voix singulière dans le paysage du thriller français, différente de celle de son frère Guillaume, mais tout aussi efficace quand il s’agit de tenir le lecteur en haleine.

[BOUQUINS] Frédéric Lepage – Plus Fort Que La Nuit

En arrivant à New York, Lana Harpending, cavalière hors pair et nouvelle recrue de la police montée, ne s’attendait pas à tomber doublement amoureuse.

D’abord, de son camarade de patrouille, Paul, qui va se retrouver au centre d’une affaire criminelle effroyable. Mais aussi du cheval qui lui est attribué, un appaloosa nommé Éridan, caractériel selon la rumeur, et dont elle parvient peu à peu à gagner la confiance.

Bientôt, un secret terrifiant vient se glisser entre Lana et son cheval. Un secret qui, dévoilé, pourrait entraîner la mort d’Éridan.

Alors, elle va faire un pari fou, et tenter l’impensable.

Parce que c’est Taurnada, un de leurs nombreux titres en retard figurant dans mon Stock à Lire Numérique.

L’occasion aussi de découvrir un auteur que je ne connaissais pas.

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada ainsi que la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Une fois encore, je m’excuse pour le retard de ce retour de lecture, partiellement indépendant de ma volonté.

Le roman débute comme un polar classique : une scène de crime bien glauque, un binôme d’enquêteurs aux personnalités diamétralement opposées et une enquête qui s’annonce difficile.

Très vite, Frédéric Lepage nous entraîne sur un autre terrain, celui de la relation entre Lana, jeune cavalière talentueuse tout juste intégrée à la police montée de New York, et Éridan, son cheval appaloosa au caractère bien trempé.

Cette relation fusionnelle entre la cavalière et sa monture constitue le cœur du roman. Elle est décrite avec beaucoup de justesse et d’émotion. Ces passages comptent parmi les plus réussis du livre, tant ils sont empreints de sensibilité et de vérité. On assiste à l’évolution du lien entre la cavalière et le cheval, la méfiance initiale d’Éridan fait place à une forme de résignation, avant qu’une réelle complicité ne s’installe et que la relation devienne fusionnelle… pour ne pas dire vitale.

Le revers de la médaille, c’est que l’intrigue policière se retrouve reléguée au second plan pendant une bonne partie du récit.

Il faut attendre la seconde moitié du roman pour que le polar reprenne ses droits et que les deux affaires de meurtre trouvent enfin un point de convergence. Les enquêteurs s’enfoncent alors dans un enchevêtrement de pistes aussi multiples que déroutantes, jusqu’à une conclusion efficace, qui parvient heureusement à redonner de la vigueur à l’ensemble.

En revanche, les passages romantiques consacrés à Lana m’ont nettement moins convaincu. C’est insipide et dégoulinant de guimauve. Par moments, on se croirait plongé dans un roman Harlequin ! Ces scènes donnent des frissons… mais pas dans le bon sens du terme.

Sur le plan stylistique, Frédéric Lepage a parfois tendance à s’égarer dans de longues descriptions – voire digressions – alternant entre des envolées lyriques et un vocabulaire parfois abscons. Cela vient alourdir inutilement le texte et casser le rythme. L’intrigue avance alors au pas tranquille d’un vieux poney rhumatisant, plutôt qu’au galop d’un pur-sang. Une fois encore ce n’est pas vraiment ce qu’on attend d’un polar.

L’un des points forts du roman réside toutefois dans la construction des personnages. Tous bénéficient d’un soin particulier : les personnalités sont bien dessinées, les interactions crédibles. Certains suscitent immédiatement l’empathie – Rosa, la maréchale-ferrante, Garance, la colocataire bienveillante, Ken, l’ancien collègue de la Crim’, ou même Lana, malgré ses égarements sentimentaux dignes d’une adolescente en pleine crise hormonale. D’autres, en revanche, se révèlent immédiatement antipathique – Manfred Stohr, le superviseur de la brigade, décroche sans conteste la palme du personnage le plus détestable.

Enfin, impossible de ne pas mentionner la place des animaux, véritable fil rouge du roman. Qu’il s’agisse d’Éridan, ce cheval aussi fier que fragile, ou des autres montures de la brigade, chacun possède une identité propre. Et puis il y a Einstein, le chien — irrésistible, touchant, et immédiatement attachant. Un vrai coup de cœur !

En conclusion, Plus Fort Que La Nuit est une lecture plutôt agréable, servie par des personnages bien construits et une belle sensibilité autour du lien humain-animal. Mais j’en ressors avec un sentiment mitigé : si le versant policier avait été davantage développé et le style plus épuré, mon ressenti aurait été bien plus enthousiaste.

[BOUQUINS] Olivier Norek & Fred Pontarolo – Impact

Nous avons vécu en harmonie avec la nature.
Puis nous l’avons domestiquée, pour ensuite l’exploiter et enfin l’épuiser.
Nous détruisons notre planète, une blessure après l’autre.
Aujourd’hui, nous allons subir sa colère.

En 2020, la parution du roman Impact d’Olivier Norek avait laissé peu de lecteurs indifférents. Qu’on l’ait adoré ou rejeté, le livre faisait partie de ces textes qui marquent durablement les esprits, tant par son propos que par sa force émotionnelle.

C’est donc avec une curiosité teintée d’appréhension que j’ai abordé son adaptation en roman graphique. Par définition, ce type de transposition implique des coupes franches : certains éléments du background des personnages disparaissent, les passages documentaires sont condensés, et tout repose alors sur la capacité du dessin à faire passer l’émotion et la tension du récit. Pari risqué.

Dès les premières planches, on retrouve le message écologique fort du roman original. Sans être martelé comme dans le texte d’Olivier Norek, il reste percutant : si rien ne change, l’humanité fonce droit dans le mur et entraînera la planète avec elle. Le propos gagne même en clarté, car la mise en images permet de ressentir l’urgence plutôt que de la subir.

Les intermèdes « Dernières nouvelles du monde », moins documentés que dans le roman, n’en sont pas moins efficaces : Fred Pontarolo réussit, par la force de ses dessins, à traduire l’effroi et l’impuissance face à la catastrophe annoncée. Chaque planche devient un coup de poing visuel.

L’un des passages les plus marquants reste la mort de la fille du couple Solal, élément déclencheur du basculement de Virgil. Dans le roman, Norek prenait le temps d’en détailler les circonstances et les conséquences sur le couple. Ici, en une double page, Pontarolo nous jette toute la noirceur de la situation au visage : le médecin qui expose les causes du décès, la stupeur et la douleur des parents… tout est dit sans un mot de trop. La puissance du dessin remplace avantageusement les longues explications.

Le duo formé par Nathan Modis, le flic, et Diane Meyer, la psychocriminologue, fonctionne aussi bien dans la version graphique que dans le roman. Au fil de l’enquête, leur complicité grandit, apportant un contrepoint humain à la radicalité du message écologique.

Quant à Virgil Solal, bien que son espace d’expression soit réduit, il apparaît paradoxalement plus humain — à défaut d’être plus sympathique. Je persiste néanmoins à affirmer que, quelle que soit l’urgence, la fin ne justifie pas les moyens qu’il emploie.

Le plaidoyer de l’avocat de Solal, moment clé du roman, bénéficie ici d’un traitement remarquable : en quelques planches, Pontarolo en extrait la substance et en restitue toute la force, sans lourdeur ni didactisme.

En définitive, cette adaptation reste fidèle à l’esprit du roman d’Olivier Norek tout en proposant une relecture plus fluide, plus rythmée, et visuellement saisissante. Le résultat est bluffant : une œuvre à part entière, capable de toucher aussi bien les lecteurs du roman original que ceux qui le découvrent à travers le dessin.

Contre toute attente, par rapport à mon ressenti sur le roman, je vais bonifier ma note d’un « Coup de poing ». Moins de matraquage et de répétition sur le niveau d’alerte de la situation permettent au message de passer en douceur plutôt que de donner la sensation de vouloir nous l’imposer.